Historique




Illustration Patrice Courcelles, avec l'aimable autorisation de l'auteur
Reproduction interdite

Les grenadiers Hollandais de la Garde Impériale

 

1810… l’Empire est à son apogée géographique : la France compte 130 départements. Le royaume de Hollande, précédemment donné à Louis Bonaparte, est annexé par décret du 9 juillet proclamé le lendemain. L’armée Hollandaise est entièrement réorganisée et les grenadiers de la Garde Royale passent dans la Garde Impériale Française. Le régiment sera dissout au début de l’année 1813, après avoir été presque entièrement détruit lors de la campagne de Russie.

 

Un décret signé par Louis Bonaparte daté du 14 Juillet 1806, réglait l’organisation de la Garde Royale dont la précédente Garde du Grand Pensionnaire formait le noyau. Elle devait être composée de deux régiments d’infanterie, l’un de grenadiers, l’autre de chasseurs, à deux bataillons chacun, d’un régiment de cavalerie à cinq escadrons, dont trois de grenadiers à cheval et deux de hussards et enfin, d’une compagnie d’artillerie légère. L’infanterie de la Garde reçut dans ses rangs un certain nombre d’officiers et de soldats Français qui, provenant du bataillon de grenadiers, campé au Maliebaan, consentirent à y passer. De ce nombre furent entre autres les capitaines Avisard et Amicot, Tarayre, colonel des grenadiers de la Garde du Roi, devint commandant en chef sous le titre de colonel général de la Garde Hollandaise le 27 novembre 1806.

Au cours de l’année 1808, la Garde séjourna à Amersfoort pour y passer l’été et l’infanterie de la Garde occupa l’ancien camp de Zeist où elle se vit soumise à un régime très sévère. Le régiment de grenadiers, commandé par le colonel Tindal, s’y distingua par sa discipline exemplaire. En juillet 1810, la Hollande est réunie à la France : la Garde Royale se concentre à Utrecht où les différents corps doivent se rendre vers Paris. L’article 4 du décret réunissant la Hollande à l’Empire Français (9 juillet 1810) stipulait que « Les officiers de terre et de mer, de quelque grade qu’ils soient, sont confirmés dans leurs emplois. Il leur sera délivré des brevets signés de ma main. La garde royale sera réunie à notre garde impériale. » Le 23 août, la Garde Hollandaise arrivait à Versailles, lieu de sa destination. La Garde Impériale Française lui fit un accueil cordial et offrit un repas de corps splendide qui permit de fraterniser immédiatement avec les nouveaux arrivants. Les Hollandais faisaient officieusement partie de la Garde Impériale et ils étaient affectés, pour la solde, à la Moyenne Garde.

 

Le 2e régiment de grenadiers

Peu de jours après son arrivée à Versailles, le corps des officiers reçut l’ordre de se rendre à Paris pour y être présenté à l’Empereur. Cette réception eut lieu dans la salle des Maréchaux du palais des Tuileries. Le surlendemain, l’empereur passait la troupe en revue dans la plaine des Sablons, vis-à-vis du parc de Saint-Cloud.

Le régiment des grenadiers comptait dans ses rangs les officiers suivants : le colonel Ralph Dundas Tindal, noté « très bon officier sachant bien son métier et tenant bien son régiment, intelligent ferme et capable et servant avec zèle et activité » (Amsterdam, 16 juillet 1810) ; le major à la suite Coucourt, chargé de l’administration ; les chefs de bataillon George et Duuring ; le capitaine quartier-maître Ferrus ; les capitaines adjudants-majors B.G. Tindal et Dequay ; les lieutenants en premier, sous adjudants-majors Reichardt et Overreith ; le capitaine adjudant d’habillement Peyman ; le lieutenant en premier adjudant aux vivres Wagenaav ; les lieutenants porte-drapeau Roelvink et Vandenbroek ; le chirurgien aide-major Calmberg ; le sergent-major vaguemestre Stohlman ; le tambour-major Siliakus ; le chef de musique Olivier.

Les capitaines de compagnie du 1er bataillon : de Kock (1re), Vandenberg (2e), de Groot (3e), Kuyck (4e) ; les capitaines de compagnie du 2e bataillon : Mongel (1re), Boebel (2e), de Gonnaville (3e), Brade (4e).

Le 13 septembre 1810, les grenadiers à pied de la Garde Royale Hollandaise deviennent officiellement le 2e régiment de grenadiers à pied de la Garde Impériale. Le régiment est alors composé de deux bataillons, chaque bataillon comprenant théoriquement 4 compagnies de 200 hommes, le tout comme chez les grenadiers Français du 1er régiment.

 

Les effectifs du régiment

Le 21 septembre 1810, Xavier Félix, inspecteur aux revues de la Garde Impériale procède à la dissolution des 4 compagnies des Gardes du Corps et à la réorganisation du régiment des grenadiers à pied de la ci-devant Garde Royale Hollandaise en 2e régiment de grenadiers à pied de la Garde Impériale. Dès le 17, les instructions avaient été données pour arriver à l’organisation prescrite. On faisait donc entrer dans la nouvelle formation les anciens Gardes du Corps et les grenadiers royaux pour former le nouveau 2e régiment en deux bataillons de quatre compagnies chacun. L’effectif total se monte à 1480 hommes.


Officiers : 1 colonel, 2 chefs de bataillon, 1 capitaine quartier-maître (n’est pas encore nommé), 2 capitaines adjudants-majors, 1 capitaine d’habillement, 2 lieutenants en premier sous-adjudants-majors, 1 lieutenant en premier adjoint aux vivres, 2 lieutenants porte-drapeau, 1 chirurgien-major, 1 chirurgien aide-major.

Troupes : 1 vaguemestre sergent-major, 1 tambour-major sergent-major, 1 chef de musique, 11 musiciens, 2 caporaux-tambours, 4 maîtres-ouvriers (armurier, cordonnier, guêtrier, tailleur)

A ces chiffres s’ajoutent 99 hommes à la suite, 428 étrangers en subsistance qui ne sont pas encore incorporés dans le régiment au regard de leur nationalité et 63 officiers de tous grades non encore placés dans la nouvelle organisation. Le total général s’élève à 2070 hommes.

 

La parade des Tuileries

Le samedi 22 septembre 1810, la grande parade dans la cour des Tuileries réunit environ 15 000 hommes de toutes armes : la Garde Impériale, deux régiments d’infanterie, dont un portugais, tous deux de passage, et le régiment des grenadiers Hollandais, arrivés tout récemment d’Amsterdam pour tenir garnison à Paris. Ces derniers sont peu satisfaits de cet honneur. Napoléon, qui l’a appris et que cela rend furieux, va leur témoigner toute sa mauvaise humeur au cours de la revue.

Le colonel Karl de Luternan, inspecteur général de l’Artillerie helvétique, présent ce jour-là, nous livre ses impressions : «  (…) après avoir renvoyé les Portugais sur la droite, au fond de la cour, l’Empereur de retour à sa borne, fit avancer les grenadiers de la Garde Hollandaise. Cette troupe magnifique répondit à tout ce que l’on pouvait attendre d’elle. Mais Bonaparte ne tarda pas à montrer clairement qu’il lui était défavorable. Il ordonna des manœuvres difficiles pour un terrain aussi resserré. On voyait qu’il cherchait à les égarer, mais il n’y réussit pas. Enfin, voyant que ce régiment se tirait toujours d’affaire, il eut recours à la plus flagrante injustice pour les faire broncher ; il commande une nouvelle manœuvre pendant que la précédente s’exécutait. Au premier indice d’hésitation qu’il aperçut chez le colonel (Tindal), qui n’avait pu comprendre le commandement à cause du bruit et de la distance, il l’apostropha d’un ton aussi grossier que peu généreux : «  Eh bien ! foutre, dit-il, que fais ce colonel ? Je crois qu’il délibère. » Cette apostrophe n’échappa à ceux qui purent l’entendre et je peux juger de la sensation générale par celle qu’elle produisit à notre croisée. Heureusement que le colonel Hollandais se trouvait alors hors de portée et qu’il ne l’entendit pas. (…) Les grenadiers et les chasseurs de la Vieille Garde, qui suivirent la Garde nationale, parurent posséder la bienveillance du Maître, car il les traita bien mieux que les autres, quoique, assurément, les Hollandais eurent bien mérité les mêmes égards. »

Le 3e régiment en Russie

Le 18 mai 1811 la création d’un nouveau 2e régiment de grenadiers Français va bousculer l’ordre de numérotation : l’ancien 2e Hollandais prend alors le numéro 3 (S.H.A.T. Aba 78/212). Le 30 juin, dans la cour du Carrousel, le régiment reçoit son drapeau, marqué du chiffre 3. Cet emblème restera au dépôt.

En 1812 les grenadiers Hollandais participent à la campagne de Russie ; ils sont affectés à la 3e division d’infanterie (Vieille Garde), brigade Michel, en compagnie des deux autres régiments de grenadiers. Les deux bataillons alignent un effectif de 1 206 hommes. Au cours de cette unique campagne, le régiment sera particulièrement engagé dans l’affaire de Krasnoïé, le 17 novembre où il a, d’après Martinien, treize officiers tués et blessés ; cinq autres officiers seront blessés à la fin de cette campagne. Dumonceau indique dans ses mémoires (T.2, p.208) que le régiment défendit la position du village d’Ouwarowo vers lequel porta son attaque, mais où les grenadiers Hollandais résistèrent toute la matinée sous l’autorité énergique de leur chef, le colonel Tindal.


Le sergent Bourgogne évoque dans ses Mémoires la triste fin de ce régiment. L’action se déroule vers Elbling dans les derniers temps de la campagne de Russie : « (…) le vieux comme le jeune étaient d’une gaîté folle, chose qui arrivait presque à tous ceux qui, comme nous, avaient eu tant de misères et de privations. Le vieux nous demanda si nous avions rencontré le régiment de grenadiers Hollandais, faisant partie de la Garde Impériale. Nous lui répondîmes que non : «  Il a passé près de vous, dit le vélite, et vous ne l’avez pas aperçu ? Ce grand traîneau qui vous a dépassé, et bien, c’était le régiment de grenadiers Hollandais ! Ils étaient sept ! » En fait, le régiment ne comptait plus que 24 officiers et 17 hommes.

L’article 11 du décret du 15 février 1813 allait dissoudre le 3e grenadier Hollandais qui avait été presque entièrement anéanti en Russie et dont le colonel était toujours Tindal. Les survivants de la désastreuse campagne furent versés dans le corps des grenadiers de la Garde.

 

Alain Pigeard, Tradition n° 83

Pour un historique plus complet, se référer également à :

Mémoires et Uniformes de Lambert de Stuers & historique du 3e régiment de Grenadiers à pied de la Garde Impériale, Les frères de Stuers au service de Napoléon – N°1 , Ronald Pawly – Patrice Courcelle, Editions de la belle Alliance